Il faut former l’Afrique

Publié le par disquedur

 Depuis la fin des années 1990, il se dit que l'Afrique sera le continent du 21ème siècle. Difficile de donner tort à ces prévisions. De plus en plus de forces économiques posent leurs bagages pour investir dans les pays africains ; des incubateurs et autres espaces de coworking dynamisent considérablement le monde de la "tech" et celui des start-up; les ressources naturelles du continent sont envoyées aux quatre coins du globe; des infrastructures ambitieuses sortent de terre de Tunis au Cap; de véritables industries de transformation des matières premières voient le jour. Il faut se réjouir de l'arrivée de l'Afrique, même tardive, sur le devant de la scène internationale. S'en réjouir, certes, mais ne pas s'en contenter. Le continent sera celui du 21ème siècle si, et seulement si, il parvient à faire profiter sa jeunesse du rayonnement économique et culturel qu'il connaît actuellement. Aujourd'hui, la moitié des 15-24 ans – qui représentent quelque 200 millions d'Africains, soit presque 20 % de la population – n'a pas de travail, alors que ces jeunes sont un formidable vivier pour les économies africaines. En 2009 déjà, Lionel Zinsou, alors conseiller du président béninois Thomas Boni Yayi, estimait que "la jeunesse est une bonne synthèse des chances incroyables dont pourrait bénéficier l'Afrique dans les décennies à venir, mais aussi des handicaps auxquels le continent pourrait faire face". C'est précisément pour ne pas que la jeunesse africaine devienne un handicap pour l'Afrique que cette dernière doit faire davantage pour leur formation professionnelle. Celle-ci fait d'ailleurs partie intégrante du programme de développement durable adopté par l'Organisation des Nations Unies (ONU) en 2015, au même titre que la préservation des ressources naturelles et le maintien des températures globales en-dessous des 2 degrés. Former les jeunes, c'est entrevoir un futur positif non seulement pour eux mais pour la communauté toute entière, en prenant des mesures au présent. Il est en effet inconcevable qu'à certains endroits de la planète, les adolescents soient livrés à eux-mêmes sans instruction ni aucun espoir d'employabilité. Une situation, on le sait, qui entraîne bien souvent la frustration et qui, poussée à l'extrême, peut constituer un terreau fertile à la naissance d'idées extrémistes, facilitant les opérations de recrutement des groupes terroristes. "Rassembler l'ensemble des acteurs" C'est pourquoi je me félicite que de plus en plus de partenariats soient conclus entre pays africains. Après tout, nous faisons face aux mêmes problématiques, pourquoi ne pas tenter de les résoudre à plusieurs? Le 18 avril dernier, lors de la douzième édition du Salon international de l'Agriculture au Maroc (SIAM), quinze pays africains ont par exemple lancé l'Alliance africaine pour le développement de la formation professionnelle; l'institution, pilotée par un représentant de chaque Etat signataire, doit favoriser le dialogue entre les opérateurs de formation professionnelle et les acteurs de l'économie, afin de répondre au mieux aux besoins. La Côte d'Ivoire, qui fait face aux mêmes défis que ses voisins subsahariens, a évidemment pris part au lancement de cette alliance. Est-ce suffisant pour autant ? Non, et c'est la raison pour laquelle elle multiplie les initiatives pour faire progresser le taux de formation des jeunes. Le 23 juin dernier, à Abidjan, le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), avec le soutien du MEDEF International et d'Africa France, créait le programme RH Excellence Afrique (REA), basé également sur la concertation poussée entre besoins des entreprises et offres de formation. Ce n'est pas la première fois que Paris apporte son soutien à cette cause de premier plan. En février 2015, déjà, le sommet Africa-France avait permis de créer une fondation pour la formation professionnelle en Afrique, dont le président, Lionel Zinsou, avait vanté l'aspect coopératif : "L'idée de la fondation franco-africaine pour la croissance est de rassembler au sein de la même structure l'ensemble des acteurs : les entreprises et les collectivités locales de France et d'Afrique". Si l'accent est mis sur les métiers de demain – ceux du numérique notamment – toutes les professions sont heureusement prises en compte par la fondation et, plus globalement, par l'ensemble des coopérations entre Etats africains. Qui, face à l'explosion démographique que connaît le continent, devront former 300 millions d'enfants en vingt ans – du jamais vu. Et parce qu'il est hors de question d'en laisser sur la touche, la Fondation Children of Africa, que je préside, s'est rendue le 16 juin dernier au Centre d'observation des mineurs à Abidjan, où une centaine de jeunes ayant commis des délits mineurs apprennent un métier afin de réussir leur réinsertion. L'occasion pour la représentante de la fondation, Béatrice Durand, d'insister sur la nécessité pour les enfants de "prendre à cœur leurs ateliers de formation" qui les mèneront à l'apprentissage d'un savoir-faire sérieux. De tous les investissements, celui qui est aujourd'hui réalisé dans le capital humain est peut-être le plus important pour le continent africain. L'Afrique ne deviendra réellement le continent du 21ème siècle qu'à la condition de promouvoir l'égalité des chances. 

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