La liberté de la presse en Turquie en 2016

Publié le par disquedur

 Avant même la révolte militaire maladroite et la croisade du gouvernement qui s’est ensuivie contre la contestation, la situation était déjà désespérée en Turquie. Être caricaturiste en 2016 en Turquie est devenu plus compliqué que jamais auparavant. Afin de museler les critiques, les procureurs de la république et les loyalistes du régime d’Erdogan n’hésitent pas à engager des poursuites pour « insulte envers le président ». Plus de 1500 personnes – parmi lesquelles des caricaturistes, des célébrités, des journalistes, de simples citoyens et même un humoriste allemand (poursuivi en Allemagne) – font l’objet d’une enquête ou de poursuites judiciaires. Malgré les pressions, une cohorte de dessinateurs courageux continue de caricaturer Erdogan et ses acolytes. En Turquie, la longue tradition des caricaturistes dissidents semble aller de pair avec une toute aussi longue tradition de répression. Les pressions vis-à-vis des caricaturistes prennent également la forme des évènements tragiques qu’ils dénoncent à travers leurs œuvres, y compris la menace imminente d’une attaque fortuite. Faire des dessins sur les sept plus grandes attaques terroristes qui ont eu lieu depuis octobre 2015 et ont causé la mort la mort de plus de 200 personnes à Istanbul et Ankara est démoralisant et déprimant. Des caricaturistes ont également été l’objet de menaces, parfois violentes, de la part de la population. Lorsque l’hebdomadaire satirique LeMan a publié un « numéro spécial coup d’État » le 17 juillet, une foule en colère a tenté d’attaquer les locaux du magazine à 4h du matin; ce numéro a également été censuré par les autorités. Cela n’est pas sans rappeler d’autres attaques du même type, notamment lorsque des incendiaires s’en étaient pris aux locaux de l’hebdomadaire satirique Penguen* en mai 2012. De même, un caricaturiste a rapporté qu’il avait aperçu à de nombreuses reprises ces dernières années des « hommes de l’ombre » postés à l’extérieur des locaux de son magazine et « prenant discrètement des photos » de lui et ses collègues. En Turquie, exercer son métier de caricaturiste est de plus en plus difficile, voire de plus en plus dangereux. « Celui qui a peur ne dessine pas », explique un célèbre illustrateur. Il semblerait donc que les dessinateurs turcs n’aient peur de rien.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :